Lorsque les relations entre employeur et employé tournent mal, le licenciement est parfois la seule issue possible. Ce genre de procédure soulève de nombreuses questions chez les employeurs et les responsables RH. Par ailleurs, il y a d’importants points juridiques que les parties concernées ne peuvent négliger. C’est pourquoi les spécialistes du cabinet d’avocats Claeys & Engels publient depuis plusieurs années l’Annuaire Licenciement et démission. Un guide clair, pratique et complet destiné aux employeurs, aux professionnels des RH et aux praticiens du droit social. Chaque année, l’ouvrage fait l’objet d’une mise à jour complète et, cette année encore, l’actualité a marqué de son empreinte la réglementation et la jurisprudence en matière de licenciement. C’est donc le moment d’interroger les rédacteurs Olivier Wouters et Henri-François Lenaerts sur les nouveautés les plus importantes de l’édition 2022.
Tout d’abord, quelle aide l’Annuaire Licenciement et démission peut-il apporter aux responsables RH ?
Olivier Wouters : En fait, le titre de notre livre indique clairement son contenu. Il s’agit véritablement d’un annuaire, reprenant de nombreuses explications concrètes et actuelles sur la manière d’appliquer correctement et efficacement les nombreuses règles relatives à la rupture du contrat de travail. Ainsi par exemple, il comprend une arborescence pratique avec des questions qui guident le lecteur vers le bon chapitre. La table des matières détaillée et l’index des mots-clés lui sont également très utiles.
En outre, l’ouvrage contient des modèles de lettres afin que le responsable RH dispose toujours de tous les textes nécessaires à sa pratique. Pensez aux lettres de licenciement, aux conventions, etc. Nous savons par expérience que les responsables RH ont un agenda chargé et disposent de peu de temps pour ce type de recherche. Une source d’informations aussi fiable ainsi que des modèles aisément utilisables se révèlent alors très pratiques. Le livre complète également à merveille l’outil de calcul des préavis de notre site preavis.be.
« Il s’agit véritablement d’un annuaire, reprenant de nombreuses explications concrètes et actuelles sur la manière d’appliquer correctement et efficacement les nombreuses règles relatives à la rupture du contrat de travail. »
Y a-t-il eu des changements récents concernant la justification du licenciement ?
Henri-François Lenaerts : La CCT 109 qui, depuis 2014, oblige l’employeur à informer l’employé des raisons de son licenciement, fait à présent partie intégrante de notre quotidien. Après leur licenciement, de nombreux travailleurs adressent une demande officielle de justification à leur employeur. L’absence de réponse ou une réponse tardive à ce type de demande entraîne automatiquement le paiement d’une amende correspondant à 2 semaines de salaire. En outre, de plus en plus de travailleurs réclament une indemnisation pour licenciement manifestement déraisonnable, qui peut coûter de 3 à 17 semaines de salaire. Cela conduit à une augmentation du nombre de jugements et d’arrêts sur le sujet : la CCT 109 s’applique-t-elle ou non ? Qu’en est-il de la charge de la preuve ? Comment l’indemnisation est-elle calculée ? Peut-elle être cumulée avec d’autres indemnités dues suite à un licenciement ? Notre Annuaire Licenciement et démission commente bien entendu la jurisprudence la plus récente, afin que les responsables RH aient une vue complète des enjeux en la matière. Ils y découvrent aussi comment limiter les risques à ce sujet (par ex. : les avertissements par écrit, etc.).
« L’Annuaire Licenciement et démission commente la jurisprudence la plus récente, afin que les responsables RH aient une bonne idée des enjeux en la matière. »
La crise du coronavirus a-t-elle également eu des répercussions sur la réglementation et/ou sur la jurisprudence relative au licenciement ?
Olivier Wouters : La crise du coronavirus a donné lieu à l’émergence de quantités de nouvelles règles en matière de droit du travail, mais le droit du licenciement est resté plus ou moins stable. Pour éviter que les employés ne puissent être licenciés ‘à bon compte’ pendant les périodes de chômage temporaire pour cause de force majeure Covid-19, un nouveau motif de suspension du préavis a été introduit. Pendant les périodes de chômage temporaire corona, le délai de préavis ne court donc pas.
On a constaté dans la jurisprudence que les juges se sont montrés peu compréhensifs envers les salariés qui n’appliquaient pas les mesures corona.
Lors de la première phase de la pandémie, le nombre de licenciements est resté limité. Le régime du chômage temporaire Covid-19 n’a pas manqué son objectif et a permis aux entreprises de conserver un personnel stable. En 2021 et 2022, nous avons pu constater que nombre d’employeurs ont pris des mesures pour réduire leurs frais, en supprimant les postes superflus. Notre cabinet a été fréquemment consulté pour des dossiers de licenciements individuels, et le nombre de réorganisations a également augmenté. Concernant les dossiers de licenciement multiples ou collectifs, l’information et la consultation des représentants des travailleurs (conseil d’entreprise/comité pour la prévention et la protection au travail ou délégation syndicale) sont primordiales. Dans le même temps, on voit que la ‘guerre des talents’ fait rage pour l’instant : les travailleurs licenciés peuvent heureusement souvent retrouver rapidement un emploi chez d’autres employeurs.
« Aujourd’hui, les coûts sont davantage pris en compte, plus que par le passé. Nous pensons néanmoins que beaucoup attendront de voir d’où vient le vent avant de licencier. Il est en effet encore plus difficile de trouver les bons profils. »
Le licenciement pour motif grave entraîne-t-il de nombreux litiges ?
Henri-François Lenaerts : Le licenciement pour motif grave est toujours à l’origine d’une jurisprudence très variée de la part des tribunaux du travail. La raison en est simple : bien souvent, le travailleur n’a pas vraiment le choix. Bien qu’en principe l’ONEM devrait refuser au salarié le droit aux allocations de chômage (le travailleur licencié n’est en effet pas considéré comme ‘involontairement’ au chômage), cet organisme va néanmoins régulièrement procéder au paiement de celles-ci à titre provisoire, pour autant que le salarié s’engage à poursuivre son ex-employeur en justice afin d’obtenir le paiement d’une indemnité de licenciement.
Si le tribunal rejette le motif grave, l’ONEM peut récupérer le remboursement de ces allocations de chômage via une cession de créance notifiée à l’employeur, qui devra en déduire le montant de l’indemnité de licenciement. Ces litiges portent souvent sur les mêmes sujets : le respect du délai de trois jours ouvrables, la gravité des faits et la preuve de ceux-ci. Ici également, notre Annuaire Licenciement et démission propose une aide pratique au responsable RH lorsqu’il doit procéder à un licenciement pour motif grave.
« Les litiges relatifs au licenciement pour motif grave portent souvent sur les mêmes sujets : le respect du délai de trois jours ouvrables, la gravité des faits et la preuve de ceux-ci. »
Et qu’en est-il des autres questions qui dominent l’actualité, comme la guerre en Ukraine, l’inflation, la crise de l’énergie et la perturbation des chaînes d’approvisionnement dans le monde entier ?
Olivier Wouters : Nous constatons que de nombreuses entreprises sont en train d’établir des plans de business continuity pour faire face à une éventuelle restriction de l’approvisionnement en électricité et en gaz au cours des prochains mois d’hiver. En outre, les coûts sont davantage pris en compte, plus que par le passé. L’inflation et l’indexation suscitent naturellement l’inquiétude des employeurs, parce qu’on ne peut pas simplement tout répercuter sur le client. Il y a bien sûr aussi la croissance du coût du travail, surtout si la production doit tourner au ralenti ou si les commandes diminuent ou sont annulées.
Alors qu’on pourrait peut-être spontanément penser que les employeurs seraient plus enclins à supprimer des emplois, nous pensons que beaucoup attendront de voir d’où vient le vent. Ils voudront voir si l’inflation se poursuit ou ralentit au cours des prochains mois. Dans de nombreux secteurs, il est en effet devenu encore plus difficile de trouver les bons profils. Licencier est donc une décision encore plus difficile, surtout si vous devez à nouveau recruter les mêmes profils quelques mois plus tard. Mais il faut attendre, compte tenu de la récente annonce d’une récession imminente.
Olivier Wouters et Henri-François Lenaerts
Les auteurs sont tous avocats au cabinet Claeys & Engels. La rédaction finale du livre est assurée par Inger Verhelst, Olivier Wouters et Henri-François Lenaerts, avocats-associés de ce cabinet.
Le cabinet d’avocats Claeys & Engels offre une gamme complète de services juridiques relatifs à toutes les matières touchant aux ressources humaines, à une clientèle tant nationale qu’internationale. Compte tenu de l’internationalisation grandissante de l’économie, Claeys & Engels est partie prenante active de l’alliance internationale spécialisée Ius Laboris.